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Made In ENSATT
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21 mars 2010

Le petit billet du dimanche d'Adrien Cornaggia

L'inquiétude du navrant

Image2"Que diable faire donc ?"

Je sonde les profondes altérités d'un personnage premier : Sganarelle, le (dé)trompé. Piteux et ladre zanni à l'estoc émoussé. "Homme de suffisance, homme de capacité" (Pancrace, in Le Mariage forcé, sc. 4) Sganarelle a de l'enfance la licencieuse malice, l'esbroufe irritable, le désir animal qui se refuse à l'inhibition la plus sévère, la plus adulte. Le fameux "sérieux" recommandé aux doués de la faconde, et mandé en toute place pour dire son propre fait, en des sentences puantes de malignité verbeuse.

Le propre de nos hauts-hurlants du mi-cycle, qui, loin de pourvoir à des discours factieux, n'ont pas oublié de revoir de Sganarelle la ladrerie bouffonne. La comparaison meurt ici. Je ne saurais la soutenir plus avant sous peine de chagriner.

Sganarelle roupille volontiers et même renâcle de son bec jaboteux, éructe de temps à autre, tant de la pomme que du train ; l'homme ci-nommé ne rechigne nullement à l'expérience de la chair : il s'invite aux contours duveteux des formes apprêtées de la femme, il trépigne pour les saveurs d'une chair impudique et capricieuse.

"Vous allez être à moi depuis la tête jusqu'aux pieds ; et je serai maître de tout : de vos petits yeux éveillés ; de votre petit nez fripon ; de vos lèvres appétissantes ; de vos oreilles amoureuses ; de votre petit menton joli ; de vos petits tétons rondelets, de votre... Enfin toute votre personne sera à ma discrétion." (Sganarelle, in Le Mariage forcé, sc. 2)

Sganarelle a, de la langueur, les élans et la musique. Corps ventru, comme une seule et nerveuse mamelle, le teint, autant que l'humeur, piqué souvent de baies amarantes, que nous rappelle le terme 'barbouillé" ; vénal, sanguin, rétif à la prolixité et la douleur.

Sganarelle est une fragile conque braillarde, sous une chape de chair aigrie ; un soucieux, sous une ire maladroite ; un amoureux de soi, sous son effort importun de bien aimer l'autre. Il a le verbe incisif et brutal, sous des travers d'enragé mutique.

"Ah ! Que l'innocence est opprimée !" (Sganarelle, in La Jalousie du barbouillé, sc. 12)

Son existence vaque dans la tension d'un espace tordu, d'un environnement mouvant et anxiogène, d'un entourage tantôt complaisant, tantôt plombé des us d'une carnassière humanité.

Ainsi, le limes sinueux du plateau, imaginé à l'occasion de la mise en scène de Claude Buchwald, sur quoi se déplace une baraque prolixe, déclinable (cf. photos). Signe d'une gent frémissante et caduque. Ainsi, les caverneuses et sensibles conversations dont la diérèse doit souligner la gageure contenue en ses multiples élocutions. Et le caractère tangible de l'homme, qui est ici Sganarelle bonhomme : l'inquiétude.

" (...) mais le plus grand faible des hommes, c'est l'amour qu'ils ont pour la vie." (Filerin, in L'Amour médecin, acte III, sc. 1)

Adrien Cornaggia, 21 mars 2010

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