La parole aux concepteurs
A l'ENSATT, la dernière année de l'école permet aux élèves de se confronter aux metteurs en scène invités, que ce soit pour les élèves comédiens aussi bien que pour les élèves scénographes, costumiers, concepteurs lumière ou son. Ainsi, chacun des trois spectacles accueille deux d'entre eux qui élaborent avec le/la metteur en scène la conception de leur domaine de prédilection.
Nous avons recueilli les intentions scéniques de chacun des duos concepteurs pour La Folie Sganarelle...
... en scénographie, Lise Lendais et Damien Schahmaneche
Un tréteau, une boîte à malice, des apparitions, des disparitions, des
fenêtres en hauteur, un dispositif frontal, une boîte noire à l’italienne, une
porte et devant un proscénium, il faudra pouvoir monter et descendre : voici en
quelques mots ce dont Claude Buchvald avait besoin pour travailler les trois
farces autour desquelles elle nous propose de nous réunir.
Le personnage de Sganarelle les traverse dans des temps et des espaces
variables, ce doit être comme un guignol. Nous devons dessiner un espace
permettant une alternance simple et facile de l’intérieur et l’extérieur et si
possible dans une mécanique rythmique appuyant le comique, notre proposition
scénographique devra être au service de l’acteur et du texte. La dynamique des
trajectoires, une diagonale, un biais par rapport au gradin devra aider les
relais d’énergie entre les acteurs dans leur ballet d’entrées et sorties. Nous
sommes au théâtre et dans ce théâtre, mesdames et messieurs, se joue l’histoire
de Sganarelle.
La farce est née sur les tréteaux de la foire, sur la
place publique et le corps de la farce se construit dans ce rapport simple et
franc avec le public. L’espace du public est le principal foyer d’énergie des
acteurs. Une passerelle entre la scène et la salle existe tout au long de la
représentation, notre projet s’est concentré à mettre en rapport simplement
cette relation fondamentale qui fait théâtre: l’acteur et le spectateur.
... en lumière, Alexandre Bazan et Cécile Boudeaux
En partant des envies et parti pris de Claude Buchvald, la conception de la lumière prend pour ligne directrice la recherche de temporalité. La sensation du temps doit être suggérée, perçue par le spectateur presque sans qu’il en prenne conscience. La lumière, si elle peut varier d’une farce à l’autre, doit abolir les césures, et amener une continuité entre ces trois farces, qui s’inscrivent dans une dynamique qui les transcende, en permettant une évolution. Quant au rythme induit par le texte, il est appuyé par une création lumière qui tantôt va dans son sens, tantôt se pose en rupture par rapport à lui, tout en évitant l’écueil de l’illustration. Et quand la lumière devient ponctuellement intemporelle, c’est pour mieux casser ce rythme le temps de brèves scènes de rêverie, de cauchemar ou de fantastique qui font s’évader le spectateur… Dans cet esprit, le travail se construit par strates, partant d’une vision globale pour progressivement approcher l’instant. Il se pense en accord avec l’ensemble des concepteurs, afin de créer une osmose qui se ressent plus que ne se voit.
... en son, Claire Colas et Nicolas Jacques-Peyronnet
La conception s’élabore au jour le jour, à partir du travail des comédiens, et parfois par des propositions en temps réel. Le texte de Molière étant très riche, très dense et très rythmique, la création sonore devra le valoriser sans l’illustrer, jouer sur ses énergies tout en respectant ses respirations. Une méthode de travail concrète, en constant rapport avec le plateau, doit faire naître un son efficace, qui parle à tous comme la parole comique de Molière raisonne universellement. En imprégnant l’espace sans s’imposer comme un extérieur, il vient ponctuer le texte comme le feraient des bruitages de dessins animés ou des onomatopées. Pensé comme un prolongement de la dynamique présente au plateau, il s’amuse à y répondre, dans un mouvement qui s’abolit du réalisme.
... et enfin en costume, Cécile Deliens et Gaëlle Viémont
Propos recueillis par Nina Strack
Article C. Thomas